04/08/2020
Ce crâne tronconique n'est pas exactement naturel. Si la "Dame de Dully", du nom de la commune suisse où elle a été découverte en 1974, affiche un tel profil, c'est parce que, nouveau-née, on lui a bandé le crâne pour orienter la croissance des os et ainsi façonner un front très haut qui devait passer, en son temps, pour un signe de beauté. Cela se passait au Ve siècle, à la jointure entre l'Antiquité et le Moyen-Age. L'an dernier, le musée cantonal d'archéologie et d'histoire de Lausanne a demandé au studio Visualforensic de redonner un visage à cette femme enterrée sur les bords du lac Léman il y a 15 siècles. Surprise: elle paraît venir en droite ligne des steppes d'Asie centrale! Auteur de ce travail, l'artiste forensique Philippe Froesch n'a aucun doute: le faciès est oriental plutôt qu'occidental. Comme il le précise, "cela découle évidemment de la structure de son crâne, sa face, son volume, ses asymétries. Il ne s’agit pas d’un choix intellectuel en amont du travail, mais d’une conséquence de la structure osseuse". Pourquoi est-ce surprenant? Au temps de la Dame, les Burgondes régnaient sur la région. Ce peuple germanique ne présentait aucun trait physique oriental; néanmoins plusieurs crânes déformés, souvent de femmes, ont été retrouvés autour du Léman. Les spécialistes ont donc formulé l'hypothèse que, peut-être, les Burgondes avaient "emprunté" des femmes à d'autres peuples pour en faire leurs compagnes. Aux Alains, par exemple, peuple du nord de l'Iran qui pratiquait les déformations crâniennes. Voire aux Huns, avec lesquels ils furent brièvement en contact. Le travail de Philippe Froesch semble attester que la Dame de Dully était bien une "pièce rapportée".
Tous nos remerciements à Justin Favrod, Lionel Pernet et Geneviève Perréard.
https://www.youtube.com/watch?v=30J_iJFBGj0
Ce court film montre les différentes étapes qui ont permis à Philippe Froesch (visualforensics) de proposer une reconstitution du visage de la défunte de la ...