29/10/2024
INTERVIEW DE Freddy Yénoukoumè, AU SUJET DE SA NOUVELLE "À la barre" DANS SILENCE DES ACACIAS
: Présentez-vous s’il vous plait.
: Je m’appelle Habib Freddy Yénoukounmè Tiko, titulaire d’une double licence en Philosophie. J’apprends à entretenir un amour pour les Lettres.
: Votre nouvelle allie corruption politique, judiciaire, trafic d'organes humains et un soupçon de tribadisme. Pourquoi avoir ainsi dévié des thématiques classiques qu'abordent vos coauteurs, à savoir tradition, culture ou abus basés sur le genre ?
: Je voudrais déjà commencer par nier cette prétendue « déviation » dont vous parlez. Il ne s’agit en aucun cas de déviation. J’ai juste transcrit et raboté chacun de ces phénomènes dont vous faites cas et qui d’une façon probante intervienne dans le champ lexical contemporain du thème abordé à savoir « Femme dans l’administration d’aujourd’hui ».
: Verser du champagne sur une autorité dans une soirée gala aux fins d'avoir un tête-à-tête avec elle dans les toilettes et décrocher ainsi un boulot. Pensez-vous que cela est réaliste et faisable ici au Bénin.
Freddy : Je tiens à préciser que ce n’est pas aux fins d’avoir un tête-à-tête avec l’autorité. C’était fortuit, l’incident survenu. C’est plutôt notre narratrice, bien éduquée peut-être, qui a voulu suivre l’autorité afin de faire amende honorable. Le boulot est venu dans la suite par la force des choses. Là, le réalisme apparaît clairement, à mon avis. Par ailleurs, cela est bien faisable, au Bénin ou ailleurs. Ce n’est pas un cadre historique à inventer. Celui-ci advient naturellement. Et donc, c’est bien faisable.
: Dans votre texte, on lit des phrases comme : « Il y a…, je ne te le dis pas, Ne me demandez pas comment j’ai été kidnappé, Tout le succès, je le dus à une femme quoique toute mon agonie, je la dus à… etc. Pourquoi il y a autant de silence dans un texte qui se veut épistolaire ?
: J’apprécie l’hyperbole évoquée mais ces quelques silences ne cherchent qu’à communiquer l’émotion de la narratrice qui a vécu un drame qu’elle relate autant qu’elle le peut et tel qu’elle le peut.
PromoLitt : Vous avez fait compétiter deux obédiences religieuses dans le texte : le christianisme catholique et le vodun quant à la course pour gagner les communales. Finalement, qui a remporté la course. Laquelle de ces deux obédiences a fait gagner les communales à Fifamè ?
: Je ne parlerai pas, moi, de « compétition » et je pense qu’il n’y en a pas eu. A juste titre, à la page 175 on lit « La prière des prêtres, je la soutins en effet par l’ouvrage d’un Babalao…» L’idée de compétition est à bannir car le texte se plaît juste à peindre cette promenade confessionnelle, une réalité socio-culturelle ou socio-cultuelle bien connue et bien décriée sous nos cieux.
: Avant de devenir maire, la narratrice a fait la rencontre d'une dame, présidente d'un parti politique, qui était venue chez elle lui proposer de rejoindre son entreprise et son parti sur recommandation d'un de ses proches. Qui est finalement ce proche ?
: Sourire ! C’est un proche dont ni vous, ni moi ne connaîtrons jamais l’identité puisque la narratrice elle-même ne la connait même pas. Tout compte fait, c’est un proche et je pense que cela suffit.
: On promeut une nouvelle adhérente comme candidate d'un parti politique, là où sûrement des gens aspirant au même honneur milite depuis des lustres. Et cela s'est passé crème au point elle dit " Unanimement, les membres du parti décidèrent de me faire représenter. Unanimement hein ! Êtes-vous sûr de cela ?
: Vous devez sans doute avoir une idée de la façon dont fonctionne l’univers politique. C’est la fin qui justifie les moyens. De ce point de vue, l’adverbe « Unanimement » peut ne pas être un usage inadéquat au point de faire douter. Toutefois, comme le stipule le texte, cette partie cherche à décrire comment notre narratrice avait le vent en poupe.
: Une mairesse trafiquante d'organes humains et qui, même après avoir perdu les élections, commandite le kidnapping de la nouvelle mairesse. Quel est le message derrière ce personnage ? Voulez-vous dire que nos maires sont des psychopathes qui ont des cadavres glaçants dans les tiroirs ?
: Je suis heureux de lire à travers la deuxième interrogation votre caricature de ce profil féminin, qui n’est d’ailleurs pas des moindres de cette nouvelle. Je sais juste qu’il s’agit d’un profil qui n’est ni candide, ni éthique. Le reste, les lecteurs nous renseigneraient mieux…
: Et qu'est-ce qui a emmené la nouvelle maire devant la justice ? De quoi l'accuse-t-on de quoi exactement ?
: D’avoir orchestré le kidnapping de son prédécesseur, d’avoir voulu porter atteinte à sa vie, d’avoir orchestré un crime, vu que le chef du gang sollicité était le cousin de la nouvelle maire. L’objectif est de faire de Fifamè le bouc émissaire. Ce qui n’a pas loupé malgré toutes les preuves apportées à la barre.
: C'était la voix de qui aux pages 178 et 179 ?
: Le dialogue de ces pages se fait entre l’avocat de l’ancienne maire et Fifamè. Il s’agit là d’une inclusion qui renvoie au premier dialogue de la nouvelle.
: À la page 172, vous écrivez ceci : " elle pleurait lentement." Comment pleure-t-on lentement ? Est-il possible de pleurer rapidement ?
: Sourire ! Seuls ceux qui ont pleuré une seule fois dans leur vie et ceux qui pleurent tous les jours peuvent en dire mot. Hormis ces deux catégories, plus de lieu où trouver de réponse…
: Freddy Yénoukoumè, merci.
: C'est moi qui vous remercie.
Interview réalisée par Chrys Amègan.
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