17/12/2021
Elles ont révolutionné la poésie, provoqué scandales et procès. Elles sont le résultat de plus de vingt années de travail acharné. A l’occasion de notre , retour sur la genèse des « Fleurs du Mal » en cinq anecdotes époustouflantes.
𝐔𝐧 𝐬𝐞𝐜𝐫𝐞𝐭
Il n’existe pas de manuscrit des « Fleurs du Mal ». L’origine de leur création reste donc mystérieuse. Par ailleurs, le processus de création de ce chef-d’œuvre a été extrêmement long et compliqué. Et si l’on peut retracer l’origine des « Fleurs du Mal » avec des indices écrits ou rapportés par témoignages de ses proches, leur point de départ reste pour toujours un secret de l’histoire.
𝐂𝐞 𝐝𝐞𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐞̂𝐭𝐫𝐞 « 𝐋𝐞𝐬 𝐥𝐞𝐬𝐛𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞𝐬 »
L’édition de ce qui allait progressivement devenir Les Fleurs du Mal n’est d’abord qu’un bruit : la seule annonce d’un recueil de vers intitulé « Les Lesbiennes » « par Baudelaire-Dufaÿs », « à paraître incessamment », publiée à plusieurs reprises de 1845 à 1847 sans que le livre lui-même voie le jour.
𝐎𝐮 𝐩𝐞𝐮𝐭-𝐞̂𝐭𝐫𝐞 « 𝐋𝐞𝐬 𝐥𝐢𝐦𝐛𝐞𝐬 »
En novembre 1848, la parution semble enfin se préciser. Une nouvelle annonce la fixe très exactement au 24 février 1849, jour anniversaire de la proclamation de la Seconde République. Le nom d’un éditeur est indiqué : ce sera Michel Lévy. Et le titre retenu est modifié : « Les Lesbiennes » ont fait place aux « Limbes », terme emprunté à la théologie chrétienne pour désigner le séjour où errent les âmes des justes morts sans avoir reçu le baptême, condamnés, comme le dit la Divine Comédie de Dante, à « vivre dans le désir sans espérance ».
𝐏𝐮𝐢𝐬 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐫𝐢𝐞𝐧
L’anniversaire passe, le livre ne paraît pas. Néanmoins, de juin 1850 à octobre 1852, Baudelaire en publie quelques aperçus dans la presse, à titre d’annonce d’un recueil destiné, dit-il, à « représenter les agitations et les mélancolies de la jeunesse moderne ». Mais après l’année 1852, plus aucune mention des « Limbes » n’est connue : en 1855, quand de nouveaux documents font état du recueil toujours en gestation, il est évoqué sous le titre « Les Fleurs du Mal ».
𝐔𝐧𝐞 𝐩𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞̀𝐫𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐮𝐭𝐢𝐨𝐧… 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐮𝐧 𝐣𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐥 !
C’est dans la « R***e des Deux Mondes », le 1er juin 1855 que Baudelaire fait pour la première fois paraître un ensemble de dix-huit poèmes sous le titre « Les Fleurs du Mal ». Cet extrait se distingue aussi des précédents par le fait qu’il ne s’agit plus d’un échantillon de l’œuvre à venir, mais d’un véritable galop d’essai : les pièces sont organisées selon un ordre soigneusement pensé, qui conduit d’un prologue jusqu’à une conclusion. Ainsi, cette publication partielle laisse déjà voir que l’architecture d’ensemble sera essentielle à la signification du livre. Plus que des extraits, c’est une image réduite des « Fleurs du Mal » qui est proposée.
Viennent ensuite les « Fleurs du Mal » dans une version plus proche de celle que l’on connaît. Et cette nouvelle étape est extrêmement bien documentée avec les épreuves d’imprimerie dont nous vous reparlerons samedi sur cette même page.
Il y aura ensuite plusieurs éditions, des scandales, un procès, des censures, des ajouts. La forme finale que Baudelaire aurait voulu lui donner restera à jamais inconnue.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à dérouler la genèse complète avec notre exposition virtuelle dédiée : http://expositions.bnf.fr/baudelaire/les-fleurs-du-mal/
Vous pouvez actuellement suivre pas à pas, indice après indice, l’itinéraire de Baudelaire dans cette création avec notre exposition « Baudelaire, la Modernité mélancolique ». Ces documents rares y sont montrés exceptionnellement. Informations pratiques : https://www.bnf.fr/fr/agenda/baudelaire-la-modernite-melancolique
Illustration : Les fleurs du mal. Partie 1 / par Charles Baudelaire ; illustrations dessinées et gravées sur bois par Émile Bernard, 1916