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17/12/2024
Titre : J'AI MAL À MES ANCÊTRES
La psychogénéalogie aujourd'hui
Ces secrets de famille qui nous empoisonnent aujourd'hui
Auteurs : PATRICE VAN EERSEL & CATHERINE MAILLARD
Éditions Albin Michel, 2002
L’irrésistible essor de la psychogénéalogie
« L’idée que nos destinées puissent être concrètement déterminées par l’histoire psychologique des générations
antérieures est extrêmement ancienne. Les toutes premières thérapies inventées par l’homme en attestent. Les
médecines chinoise ou africaine, par exemple, à la différence de la médecine occidentale, envisagent la maladie dans
son contexte familial et généalogique. Pourquoi ai-je une hépatite ? À cause d’un microbe et d’une nourriture
avariée, répond le médecin occidental. Les guérisseurs chinois ou yoruba fournissent, eux, des explications qui
rétablissent l’ordre du monde, soit qu’un démon nous veuille du mal (et qu’il faille lui offrir un animal en sacrifice),
soit que nous ayons troublé l’ordre cosmique, notamment en occupant une place qui n’est pas la nôtre et en oubliant
d’honorer nos ancêtres. Le guérisseur sait une chose que le médecin ignore : la loi généalogique et le rapport aux
ancêtres définissent pour une large part les liens, les droits, les devoirs et les identités qui structurent l’être humain –
dans sa culture et dans sa biographie. Le guérisseur sait aussi les mots et les rituels qui permettront de conjurer
l’apparition, le fantôme (ancêtre disgracié ou qui a déshonoré sa famille), synonyme de désordre inconscient
transmissible de génération en génération. Mais voilà que survient une nouveauté en Occident : le psychogénéalogiste. Un thérapeute qui, sans rien perdre
des découvertes de la modernité, notamment quant à la singularité de l’individu, retrouve les liens contextuels et
transgénérationnels auxquels sa culture était devenue sourde. Que fait-il ? Il focalise lui aussi sur cette portion de
notre histoire qui ne nous appartient pas : « Si tu as cette bronchite chronique, c’est peut-être parce que ton arrière-
grand-père a été asphyxié dans une tranchée et qu’on te l’a caché, parce qu’à son retour de la guerre, ta grand-mère
n’a plus voulu de lui… » Exemple plus spectaculaire : un homme éprouve des maux de gorge constants, provoquant
une détérioration de la circulation sanguine dans ses extrémités. Nul remède ne parvient à le soigner. Jusqu’au jour
où il découvre, en thérapie transgénéalogique, qu’un ancêtre lointain, né le même jour que lui, est mort guillotiné
pendant la Révolution. À partir de cette découverte, les maux de gorge et leurs fâcheux effets circulatoires
disparaissent comme par enchantement. Comment un fait du passé, heureux ou malheureux, peut-il, par ignorance
ou sous le poids d’un « secret de famille », avoir de telles conséquences quelques générations plus t**d ?
Certaines personnes cherchent à échapper à leur famille par la fuite pure et simple, parce que celle-ci leur
semble représenter un danger mortel. Comme si l’histoire de leur lignée menaçait de les tuer. Le danger n’est pas
forcément fantasmatique. Mais la fuite ne sert à rien. Où que puisse vous mener votre évasion, votre histoire
familiale vous suivra, et vous ramènera constamment vers votre passé, vous conduisant à répéter éternellement les
mêmes scénarios, du moins tant que vous n’aurez pas décidé d’agir, pour désamorcer vos ancrages
transgénéalogiques négatifs.
Reconstituer son arbre peut commencer simplement. Comme l’explique le site psychogéné com : « D’une façon
générale, pour travailler sur son histoire familiale, il n’est pas nécessaire d’avoir fait des recherches généalogiques.
Chacun vient avec ce qu’il a. Le peu d’informations recueillies suffit pour situer ce qui est présent et pour débuter ce
travail. Dans la plupart des cas, d’autres renseignements arriveront, parfois d’une façon surprenante, inopinée. Ce
qui est important, c’est de comprendre qu’à partir du moment où l’on entreprend une démarche en
psychogénéalogie, on active une mémoire qui traverse le temps, les époques, les événements et peut surgir dans un
souvenir jusqu’à ce que la conscience lui donne un sens. »
D’une certaine façon, le psychogénéalogiste emprunte moins aux connaissances de la psychopathologie
occidentale qu’à l’efficacité « sorcière » des plus anciennes médecines…
Sa correspondance nous dit que Sigmund Freud n’ignorait rien de l’importance des ancêtres dans la constitution
des psychosomatismes individuels et collectifs : chacun de nous n’est pas seulement déterminé par le triangle papa-
maman-bébé, mais par toute une cascade d’influences venues de notre arbre généalogique entier. Le découvreur de
l’inconscient avait eu l’intuition d’une transmission généalogique de la névrose. Il savait l’importance que jouent,
par exemple, les grands-parents dans la vie d’un enfant (directement ou indirectement, en bien ou en mal, par excès
ou par défaut). Il avait même imaginé une histoire selon laquelle, à l’origine de l’humanité, il y aurait eu une horde
avec un père primitif effrayant, dont les enfants se seraient ligués pour le tuer. Et nous garderions tous en nous le
souvenir de ce parricide premier. Freud suggérait par cette parabole que, d’une génération à l’autre, le lien ne
pouvait être gommé. Mais Freud ne poussa pas plus loin l’exploration du phénomène transgénérationnel. Son long et dur combat pour
défendre l’origine sexuelle des névroses lui aurait-il fait négliger cette dimension fondamentale du mécanisme
humain qu’est la fidélité inconsciente du sujet au vécu de ses ancêtres ? C’est ce que suggèrent aujourd’hui certains
psychanalystes pour qui, Freud ne pouvant pas « tout faire », c’est très consciemment qu’il aurait décidé de se
consacrer exclusivement au triangle œdipien, laissant de côté le reste de l’ascendance, en se disant que d’autres,
après lui, mèneraient les recherches indispensables du côté des ancêtres. En réalité, il semblerait bien que la propre
généalogie de Sigmund Freud et quelques pesants secrets de famille l’aient inconsciemment détourné de toute vraie
recherche transgénéalogique. La suite est tristement banale : on le sait, les disciples figent toujours la pensée des
maîtres ; après Freud, le complexe œdipien est devenu un dogme jaloux, et les ancêtres négligés ont été frappés
d’ostracisme.
Il a fallu attendre près de cent ans pour que leur importance cruciale soit reconnue par les « psy ». Au début du
XXIe
siècle, cette reconnaissance prend l’allure d’un véritable mouvement : sur le thème « où que vous soyez, vous
trimballez toujours votre famille d’origine avec vous, bénissez-la mais libérez-vous ! », la psychogénéalogie – ou,
plus généralement, l’approche transgénéalogique – émerge un peu partout, dans de très nombreuses pratiques et
écoles. Aujourd’hui, ce chantier-là résonne tout autour de nous. Est-ce seulement parce que, comme le dit Steve
Lacy, créateur du site Genealogy Gateway To The Web, « dans une société qui perd ses valeurs traditionnelles et se
trouve bouleversée par la désintégration de la cellule familiale, les gens cherchent à renouer avec leurs racines » ? Le
phénomène est sans doute plus profond et touche véritablement un « retour des ancêtres » dans la civilisation
occidentale. Retour à une dimension incontestablement thérapeutique. Des centaines de « psy » reconnaissent
désormais l’importance de la filiation, et surtout des ratés de celle-ci, non-dits, secrets de famille et autres grumeaux
que les générations se refilent les unes aux autres, dans des jeux de rebondissement si étonnants – à l’humour si
noir ! – qu’il faut être un artiste de la relation pour savoir les débusquer.
C’est à une présentation de sept de ces « artistes transgénéalogiques » qu’est consacré le présent ouvrage sous la
forme de sept entretiens avec des acteurs majeurs de ce mouvement :
– Le Dr Anne Ancelin Schützenberger, médecin hors pair, résistante anti-nazis, auteur entre autres de Aïe mes
aïeux ! où elle raconte comment elle s’est retrouvée sur la piste psychogénéalogique en butant sur d’« étranges
maladies à répétitions », a introduit le concept transgénérationnel dans le grand public ;
– Alexandro Jodorowsky, homme de théâtre, scénariste, spécialiste du Tarot et inventeur d’une forme originale
de psychothérapie chamanique appelée « psychomagie », s’avère avoir été l’un des tout premiers à redécouvrir
l’importance de l’arbre généalogique dans la constitution de la psyché ;
– Bert Hellinger, psychothérapeute allemand qui vécut en Afrique du Sud, reconnaît avoir été influencé par la
culture zouloue dans l’invention des Constellations Familiales, méthode qui connaît actuellement un immense
succès (appliquée par exemple par la psychothérapeute Christiane Singer) ;
– Didier Dumas, psychanalyste œuvrant dans la filiation de Françoise Dolto, qu’il ouvre à des dimensions non
occidentales (taoïsme, chamanisme), fait une démonstration particulièrement brillante du « retour des ancêtres »
dans la pensée et dans la thérapie contemporaines ;
– Chantal Rialland, ancienne élève d’Alexandro Jodorowsky, affirme que chacun peut influencer son destin en
« choisissant sa famille » et enseigne concrètement à ses patients et stagiaires comment bâtir leur arbre
transgénérationnel ;
– Serge Tisseron, psychothérapeute spécialiste du « secret de famille » – particulièrement connu pour son étude
du « roman familial » du personnage de Tintin –, focalise son attention sur les non-dits qui, de génération en
génération, deviennent pathologiques ;
– Enfin Vincent de Gaulejac, psychosociologue spécialiste de la « névrose de classe », démontre de quelle façon
les arbres généalogiques se regroupent par grandes familles sociales. »