16/08/2024
L’art peut être beau mais la beauté n’est pas nécessairement de l’art. La nature est belle et la copier telle quelle sur une photographie ou sur une toile demande certes de la technique mais ce n’en est pas moins une esthétique de carte postale. En ce sens, les paysages d’Egon Schiele sont bien de l’art. Il ne les peignait d’ailleurs pas en extérieur mais de mémoire dans son atelier. Personnage complexe à la sensibilité exacerbée, ce peintre autrichien était en rébellion contre le conservatisme ambient du début du XXe siècle. Ses nus et ses portraits montrent des personnages désarticulés saisis dans des poses inhabituelles, troubles et souvent érotiques. Quant à ses paysages, ils sont l’expression de la tristesse et du caractère éphémère de l'existence.
Ce tableau peint en 1917 montre quatre arbres dans un paysage de collines au crépuscule. Il n’est pas d’une immédiate beauté et la nature qui l’a inspiré l’est sans doute davantage mais il interpelle par sa mélancolie. Ce sont des teintes automnales rendues froides par l’emploi de la couleur bleue, et un des arbres a déjà perdu ses feuilles. Cette image n’est rien d’autre qu’une allégorie de la propre personnalité du peintre et du monde qui l’entourait, un monde en guerre, sans espoir, prêt à entrer dans un éternel hiver (« winter is coming »). Mais peut-être qu’Egon Schiele pressentait aussi la fin inéluctable de son propre destin, interrompu tragiquement une année plus t**d par le virus de la grippe espagnole.
Egon Schiele : Quatre arbres, 1917 (Palais du Belvédère, Vienne)