22/07/2024
« Monsieur Emmanuel », je ne sais pas trop comment commencer.
Je me souviens toujours de ce jour de décembre 2011. Je venais chercher mon visa à l’ambassade du Burkina Faso. Mon assoc avait un projet – un « labo de cultures en terre burkinabè » !! – et je souhaitais en parler à quelqu’un à l’ambassade… L’employée étonnée m’avait conduit au Conseiller économique, à toi quoi.
– Vous voudriez rencontrer Bernard Ledea Ouedraogo, le fondateur des groupements Naam ? Et vous connaissez son travail ? Quelle coïncidence : son collaborateur, Amidou Ganamé, est ces jours-ci à Gembloux. Je vous donne son numéro. Mais Bernard Ledea va fort mal, il est hospitalisé à Ouaga pour le moment. Vous savez, c’est un quasi-dieu au Yatenga !
Pour ce qui est de Maître Pacere, je vous confie son numéro.
Votre projet m’intéresse. Je pourrais toujours vous montrer mon village natal car il y a là une maison des jeunes qui reste inoccupée, cela pourrait vous intéresser. Mais vous visiterez d’autres villages, pas de problème…
Alors, j’ai une maison à Ougadougou, elle est inoccupée, je vous la prête, comme vous me dites que vous ne savez pas trop où loger… J’y viendrai moi-même en janvier mais elle est grande et je ne reste pas longtemps. »
Il y a des anges gardiens ; du moins, je peux attester que j’en ai rencontré : toi, Emmanuel, tu as vraiment été là, toujours, encourageant, hospitalier.
Tu sais, à un moment, j’ai voulu avoir une double nationalité, burkinabè et belge, nous appartenons tous à tellement de mondes…
Ce premier voyage en 2012 et les 5 autres m’ont tellement donné ; en 2013, tu m’as à nouveau confié ton « château » comme je l’appelle, cette grande maison en quartier nouvellement urbanisé. Nous nous sommes revus plusieurs fois, en Belgique et à chaque voyage que je faisais.
Tu étais toujours comme tu es, princier avec modestie, intègre, bienveillant, attentif, confiant, généreux, magnanime : beaucoup d’adjectifs mais j’associe chacun précisément à chacune de nos rencontres.
Et j’ai conservé tout cela en moi, Grand Frère : ce que tu dégageais, cette force vertueuse au cœur de ta bonhommie débonnaire.
Une « Grande Personne » (selon le nom de la troupe de marionnettistes à Boromo) ; un « Trésor Vivant » (selon le nom du programme du ministère de la culture qui rend hommage aux acteurs d’un Burkina endogène).
Tu sais, quand par la suite j’allais à Bendogo avec Nafissatou, on m’appelait de ton nom « Lalsomdé ». J’en étais et suis et resterai très fier (je sais que c’était aussi lié à des histoires de village), mais j’en reste fier. Et avec ton petit frère, Aloyis, nous continuons à prendre de nos nouvelles.
J’ai cherché la photo où, lors de la première visite des potagers de Bendogo, on te voit à l’ombre de quelques rares arbres, en compagnie des villageois, de Nafissatou et de Laetitia.
Je ne l’ai pas retrouvée...
Mais en la cherchant, j’ai revu toutes les autres de ce premier voyage sur ton continent natal ; autant d’instants infinis que je te dois, Grand Frère.
Et puis, je suis tombé sur une autre photo, quand nous avons visité les potagers de Blandine Sankara, à Loumbila.
À chaque voyage, te revoir, c’était comme une bénédiction, un retour nécessaire aux origines.
Merci, Grand Frère, tu es ailleurs, mais restes aussi en nous, généreux